Louis Allain : À la découverte des villages bilingues du Manitoba

Publié le 13 mars 2023

Visage reconnu de la francophonie manitobaine depuis plus de 40 ans, Louis Allain aime toujours autant se perdre dans les paysages étendus du Manitoba et découvrir les lieux qui font vibrer la francophonie manitobaine.

Né au Québec, celui qui vient de laisser en mars 2023 son poste de directeur général du Conseil de développement économique des municipalités bilingues du Manitoba (CDEM), qu’il occupait depuis 2007, a déménagé très jeune au Manitoba : « Notre famille s’est installée dans une ferme laitière à Saint-Laurent au début des années 1980. J’ai terminé mes études à l’Université de Saint-Boniface en 1982, puis je suis devenu enseignant », explique-t-il. Œuvrant pour l’ouverture à Saint-Laurent d’une école de la Division scolaire franco-manitobaine, l’École communautaire Aurèle-Lemoine, dont il sera le premier directeur en 1993, Louis Allain se définit comme un fier ambassadeur de ce village aux racines métisses.

Saint-Laurent : une histoire de langue(s)

Village fondé en 1882, la culture francophone est omniprésente à Saint-Laurent. « Au Manitoba, les villages bilingues sont généralement situés le long des cours d’eau navigables, comme la rivière Assiniboine et le lac Winnipeg, la rivière Rouge et le lac Manitoba, détaille Louis Allain. C’est autour de ces berges que nous pouvons sentir le parfum de la francophonie et des Métis. »

Saint-Laurent était déjà un village bilingue lors de sa création. « En 1905, plusieurs familles bretonnes s’installèrent dans le village, suivies de Canadiens-français et de Mennonites. On y parlait français et mitchif, cette langue mixte qui est un mélange du français et du cri », explique-t-il.

Pour Louis Allain, il est essentiel de préserver l’histoire de cette langue. « Nos pécheurs parlent mitchif en plus du français. C’est une langue assez unique. Je trouve qu’il est important de la valoriser et de ne pas la mettre sous silence. »

L’ancien directeur général du CDEM se réjouit d’ailleurs que les écoles de la région aient mis beaucoup l’accent sur des initiatives en vue de développer une pédagogie communautaire centrée sur le respect du mitchif.

« Il arrive que certaines personnes dénigrent la forme des mots ou la prononciation de cette langue. Il est essentiel de montrer que le mitchif n’est pas un français sous-développé, mais une langue à part entière. Elle est magnifique et elle fait partie de l’histoire de la francophonie manitobaine », affirme-t-il.

Membre fondateur et président de la Corporation de développement communautaire (CDC) de Saint-Laurent en 1997, Louis Allain explique que le village a pu conserver une culture franco-métisse très vivante car « Saint-Laurent était un village très isolé jusque dans les années 1970, permettant à cette culture de rester forte et solidaire ».

Dans le village de Saint-Laurent, la culture métisse est célébrée tous les ans, lors de la longue fin de semaine d’août, avec Métis Days.

La pêche en bombardier

Outre sa langue mitchif, Saint-Laurent est un village qui possède de grandes richesses dans son patrimoine et dans sa faune et flore. Pour Louis Allain, cette région est un paradis pour la chasse, l’agriculture, l’élevage et surtout la pêche.

« Saint-Laurent est une municipalité située sur les berges du lac Manitoba. Elle possède des attributs et une histoire forte pour les amateurs de pêche commerciale », raconte-t-il.

Louis Allain ajoute que le village est également connu pour ses célèbres « bombardiers ». Ces véhicules datent des années 1930 et permettent aux pêcheurs de se déplacer sur la neige et la glace. Pas de roues à l’avant, mais des skis! Les bombardiers servent aussi d’ambulances, de transporteurs de courrier et même d’autobus scolaires.

La communauté de Saint-Laurent célèbre d’ailleurs la fin de la saison de pêche sur glace avec un autre Festival, le Festival Manipogo, en mars. Nommé selon la légende du monstre marin du lac Manitoba, ce Festival permet aux visiteurs de s’essayer à la pêche traditionnelle hivernale.

Saint-Georges : À la frontière du Bouclier canadien

Pour découvrir les richesses et l’histoire de la francophonie manitobaine, Louis Allain n’hésite pas à quitter son village de Saint-Laurent. Il aime se promener dans les autres villages bilingues de la province, comme Saint-Georges, situé à l’est du lac Winnipeg.

« Le village de Saint-Georges marque la fin, ou plutôt le début, du Bouclier canadien. On peut y admirer de magnifiques roches, qui nous donnent un avant-goût de ce qu’est ce bouclier géologique qui couvre près de 50 % du territoire canadien », détaille-t-il.

Winnipeg River Heritage Museum

Endroit bucolique où il fait bon vivre, les habitants de Saint-Georges sont fiers d’habiter au cœur de l’histoire du Manitoba. « Les gens ont la chance de pouvoir y visiter le Musée du patrimoine de la rivière Winnipeg. Les artefacts exposés sont nombreux. On y retrouve notamment des objets d’artisanat, des photographies et des machineries agricoles. »

En plus de son amour pour l’histoire des berges et de la vie nautique de Saint-Georges, Louis Allain incite les visiteurs à découvrir la belle forêt au nord du village. « Il ne faut pas oublier que Saint-Georges était une région ressource et ses habitants ont longtemps vécu grâce à la papeterie. Lors de la fermeture de l’usine à papier, le CDEM a même initié un projet historique en misant sur la réconciliation économique avec les peuples autochtones. »

L’histoire du commerce à Saint-Lazare

Parmi les lieux qui ont une résonnance importante dans l’histoire du Manitoba, Louis Allain recommande également le village de Saint-Lazare. Collé à la frontière de la Saskatchewan, ce village franco-manitobain est un lieu historique du commerce où la trace des Métis est significative.

« C’est un endroit assez méconnu dans l’Ouest canadien, notamment le fort Ellice, qui était un point stratégique du commerce du nord-ouest. Au 19e siècle, c’était un lieu commercial plus important encore que la Fourche à Winnipeg », explique-t-il.

Aujourd’hui, nous pouvons admirer un monument commémoratif sur l’ancien site du fort. Il commémore les éclaireurs, les guides, les chasseurs de bisons et les traducteurs Métis qui ont aidé à construire et à exploiter le Fort Ellice.

Pour Louis Allain, Saint-Lazare est un « endroit charmant, très joli à visiter et où les gens sont très accueillants. C’est un lieu à ne pas manquer au Manitoba.

« C’est important pour les gens de découvrir la francophonie du Manitoba avec ces villages bilingues. Quand les gens arrivent à Saint-Lazare, à Saint-Georges ou à Saint-Laurent, ils découvrent des trésors uniques qui reflètent la vie des voyageurs, des Métis. Nous devons continuer à valoriser ce tourisme, qui nous fait vivre des expériences que nous ne pourrions pas découvrir ailleurs », souligne-t-il.

Le Manitoba à vélo, une bonne idée!

Grand amateur de cyclisme, Louis Allain met par ailleurs au défi les visiteurs de ne pas avoir peur de découvrir le Manitoba à vélo. « Oui, c’est vrai, le territoire est grand. Mais le vélo est un moyen de locomotion qui permet de déceler tous les trésors de la province. Un des projets du CDEM est de faire découvrir les villages bilingues du Manitoba avec des sentiers balisés. »

Parmi ses expériences préférées à vélo, Louis Allain recommande la piste cyclable entre le village de Saint-Laurent et Winnipeg Beach.

« Cette balade dure environ une heure. C’est parfait pour ceux et celles qui ont des préjugés négatifs sur le vélo! (rires). Je conseille également la piste qui part de Saint-Georges et qui passe par Powerview-Pine Falls jusqu’à la plage Albert, un lieu privilégié des habitants de Winnipeg l’été », raconte-t-il.

Selon Louis Allain, tout ce qui se situe au nord de Winnipeg est très agréable à vélo, car les routes sont éloignées des grands axes routiers et donc très sécuritaires. « Ce sont des petites routes avec peu de passage. Je me souviens avoir vécu des expériences incroyables autour des berges du lac Manitoba. Quand j’étais enseignant, je les découvrais à vélo avec mes élèves. Ce sont des souvenirs qui m’accompagneront toujours », confie-t-il.

Été comme hiver

Louis Allain comprend tout à fait la réticence des visiteurs à partir découvrir le Manitoba en hiver. La sécurité, le froid, les rencontres animales… Le territoire peut sembler peu accessible quand il est enneigé. Mais pour lui, tout est une question de préparation matérielle et psychologique.

« Une amie psychologue m’a dit une phrase que je retiendrai toujours : Dans tous les coins des pays, il y a toujours des beautés à découvrir. Il suffit de prendre le temps d’aller les chercher. C’est un peu ça, le Manitoba. Il faut s’initier à la découverte des grands espaces. »

Pour Louis Allain, c’est donc à chacun et chacune de faire l’effort de découvrir la pêche hivernale, les sports d’hiver, le vélo sur la neige. « Il ne faut pas avoir peur de s’équiper pendant les temps de grand froid. Et de partir à l’aventure! Nous avons un terrain de jeu magnifique, autant en profiter. »