Le Manitoba et Roger Léveillé : Une histoire racontée par les mots

Publié le 13 avril 2023

Le Manitoba a toujours été une terre d’inspiration pour les artistes locaux et les esthètes de passage.


C’est le cas de l’écrivain Roger Léveillé, qui a raconté et sublimé des paysages remplis de trésors dans plusieurs de ses romans, notamment Plage, écrit en 1984, ou encore Le soleil du lac qui se couche, écrit en 2001. Le Franco-Manitobain y raconte souvent son Manitoba à lui, allant des couchers de soleil rougeâtres observés sur les plages du lac Manitoba, jusqu’aux rives de la rivière Seine où l’auteur, né à Winnipeg, vit maintenant, dans le quartier de Saint-Vital.

Roger Léveillé éveille son amour pour la langue française dans la paroisse du Sacré-Cœur à Winnipeg, où il naît en 1945. Bien loin alors de Saint-Boniface, Saint-Norbert ou Saint-Vital, berceaux de la francophonie manitobaine.

« À l’époque, c’étaient des villes indépendantes, jusqu’au début des années 1970. Le fait de ne pas y grandir a forcément influencé la construction de ma francophonie. Avec ma famille, nous étions de fiers irréductibles Gaulois vivant dans un contexte anglophone! », décrit-il.

L’écrivain apprend l’anglais à l’école et dans la rue, avant de déménager dans le quartier de Saint-Boniface à l’âge de 12 ans. « C’est à partir de cette période que j’ai poursuivi mon éducation en français, jusqu’à terminer mon semestre d’études supérieures à Montréal. »

Après avoir vécu à Ottawa pendant huit ans, Roger Léveillé revient au Manitoba en 1981, pour ne plus jamais quitter sa province de cœur. Il y découvre des paysages qui vont le marquer, au point d’associer ces lieux aux histoires décrites dans ses romans.

Les plages du Manitoba

« Quand je pense à mes lieux préférés du Manitoba, j’ai immédiatement des images de plages qui me viennent à l’esprit. Depuis que je suis un jeune enfant, ma famille aime passer nos étés sur les rives du lac Manitoba, détaille Roger Léveillé. Je recommande la magnifique plage de sable blanc Delta Beach, située au nord de Portage-la-Prairie, et aussi la plage Laurentia Beach, à 1 km du village de Saint-Laurent. »

L’auteur franco-manitobain a écrit plusieurs de ses romans dans un chalet qu’il possédait près du lac Manitoba. « Dans un de mes derniers romans, Ganiishomong ou l'Extase du temps, écrit en 2020, je parle beaucoup de Saint-Laurent et de cette région particulière à mes yeux. J’y évoque notamment la petite route Ganiishomong, nommée ainsi par les Autochtones », explique-t-il.

Roger Léveillé se souvient être allé dans cette région pour la première fois à l’âge de quatre ans. « Nous allions rendre visite à des familles de docteurs et de dentistes que nous connaissions de la paroisse du Sacré-Cœur. Ces moments sur la plage Delta Beach sont devenus des souvenirs paradisiaques. Je me rappelle de ces sentiments de grande liberté intérieure. »

C’est donc avec un grand plaisir que l’écrivain a plus tard fait découvrir ces lieux à son épouse et ses enfants. « Au fil du temps, je me suis fait beaucoup d’amis dans la communauté métisse et plusieurs membres de ma famille sont installés à Saint-Laurent. »

Saint-Laurent, berceau de la culture métisse et de la francophonie au Manitoba.

Visiter la municipalité rurale de Saint-Laurent, c’est aussi se plonger dans l’histoire de la francophonie manitobaine.

« Le village possède de grandes racines métisses et un nombre important de familles bretonnes se sont installées à Saint-Laurent au début du 20e siècle. C’est le cas de Pauline Boutal, ‘‘La grande dame du théâtre’’. Cette artiste et comédienne a immigré à Saint-Laurent à l’âge de 13 ans au printemps 1907. C’est l’une des personnes les plus marquantes de l’histoire de la vie culturelle franco-manitobaine », souligne Roger Léveillé.

Saint-Laurent est considéré comme le berceau de la communauté métisse au Manitoba et en Amérique du Nord. Roger Léveillé aime se recueillir dans son cimetière chaque année, pour « rendre hommage à nos ancêtres Métis avec un verre à la main. C’est grâce à eux que la francophonie existe au Manitoba et que notre province est bilingue. »

Dans le village de Saint-Laurent, la culture métisse est particulièrement célébrée lors de la journée annuelle de fête Metis Day, en août. « Les gens peuvent danser, écouter de la musique et manger de bons repas en lien avec cette grande culture. »

L’écrivain ajoute que le village propose également tout au long de l’année des activités intéressantes, comme la pêche sur glace. « Il y a une grande tradition de pêche métisse sur le lac Manitoba. »

Le mitchif, une langue à protéger

Pour Roger Léveillé, la communauté de Saint-Laurent permet également de découvrir la langue des Métis, le mitchif. « C’est un parler qui intègre de vieilles expressions françaises, avec un accent chanté très particulier. Je trouve cette langue merveilleuse et j’accorde un très grand respect à ceux qui permettent au mitchif de survivre dans notre province », confie-t-il.

Au fil des années, le mitchif est de moins en moins parlé au Manitoba, avec regret pour l’auteur franco-manitobain.

« Les écoles ont souvent considéré le mitchif comme du mauvais français. Mais en réalité, c’est une langue qui ressemble énormément au vieux français, beaucoup plus que le français actuel d’ailleurs! Pour moi, il n’y a pas de langue française parfaite ou idéale. On se retrouve tous dans la francophonie avec notre diversité de mots, d’expression, d’accents. Voilà pourquoi une langue est appelée vivante. » Roger Léveillé

Une route mythique

Roger Léveillé a donc souvent invité ses amis à visiter Saint-Laurent, un lieu important pour saisir ce lien si particulier entre une province majoritairement anglaise et la langue française.

« Quand les gens arrivent à Winnipeg, ils doivent emprunter la route numéro 6 pour se rendre à Saint-Laurent, au nord. Dans un de mes romans, j’ai d’ailleurs transposé la célèbre chanson de la route 66, se rappelle-t-il. Cette route est mythique, tout comme la chanson. Elle nous fait traverser Lake Francis, Saint-Laurent, les rochers de Steep Rock et Grand Rapids, jusqu’à Thompson. C’est une belle autoroute du silence pour aller vers le nord du Manitoba! »

L’écrivain franco-manitobain se souvient d’ailleurs d’une visite emblématique de plusieurs de ses amis un été. « Nous étions tellement heureux d’être ensemble, dans cette région calme, remplie de fleurs, avec les oiseaux qui volaient dans le ciel! »

Aujourd’hui, Roger Léveillé aime toujours autant se rendre dans la région de Saint-Laurent, même s’il concède ne plus trop y aller l’hiver.

« J’adore redécouvrir ces lieux au printemps et les quitter à l’automne, quand les premières feuilles tombent. J’habite maintenant dans le quartier de Saint-Vital, à Winnipeg, et même si je ne suis pas le plus grand admirateur de l’hiver, j’aime me promener sur la rivière glacée avec mon chien, faire du ski de fond ou encore jouer au hockey. C’est une tranquillité qui me correspond bien », conclut-il.